L’œil ne voit que ce que l’esprit est prêt à comprendre. Henri Bergson
Le biais de confirmation correspond à une tendance à vouloir confirmer nos hypothèses ou croyances.
Mécanismes
Afin de comprendre les mécanismes mis en oeuvres par le biais de confirmation, il faut définir quelques notions de psychologie sociale.
Une cognition correspond à un élément de connaissance (une idée, croyance, attitude, comportement, valeur ou émotion).
Notion de consistance :
- Deux cognitions sont consonantes (ou consistantes) si elles sont harmonieuses ou cohérentes. Par exemple : “Jaime les fruits” et “les fruits sont bons pour la santé”
- Deux cognitions sont dissonantes (ou inconsistantes) si elles sont en conflit, elles peuvent générer un état de tension ou de malaise. Par exemple : “j’aime le soleil” et “le soleil provoque des cancers de la peau”.
Les théories de la consistance cognitive postulent que les gens essaient de maintenir une certaine harmonie relativement à ce qu’ils pensent des autres et des choses, car un manque d’harmonie entraine un malaise. Suivant le principe homéostatique (de maintien d’un équilibre), tout déséquilibre ou incohérence déclenchera des mécanismes d’autorégulation visant à restaurer cet équilibre.
D’où le biais de confirmation : il permet de maintenir cette harmonie et d’éviter un malaise, un inconfort dans ce en quoi nous croyons.
Pour aller plus loin :
Théorie de l’équilibre cognitif (Heider)
Dans les années 50’s, Heider s’est inspiré du courant de la Gestalt (ou courant de la forme) pour transposer les lois de la perception des objets à la perception des individus.
Principaux postulats :
- Notre perception, ou conception des liens qui existent entre les personnes, entre les personnes et les objets, doit se constituer de manière équilibrée et consistante
- L’existence simultanée d’éléments de connaissances qui ne s’accordent pas entraine de la part de l’individu un effort pour les faire mieux s’accorder
Nous avons besoin de maintenir un certain équilibre dans notre univers cognitifs (c’est à dire dans nos pensées). Si cet équilibre est mis à mal, nous allons tenter de le restaurer au travers de deux façons. Soit à travers l’action : par exemple si je n’ai pas le même avis qu’un ami, je vais essayer de le convaincre afin que nous restions amis. Soit par une réorganisation cognitive : dans le même exemple, je me dis que mon ami n’est pas aussi agréable que je le pensais et que finalement ce n’est peut être pas vraiment mon ami. L’équilibre est ainsi restauré.
Des recherches dans le domaine des opinions politiques ont montré que :
- les électeurs perçoivent leur candidat favori comme promoteur des positions qu’ils privilégient eux-mêmes
- les gens ont tendance à augmenter la similitude d’opinion entre eux et autrui s’il leur apparait comme attrayant.
Théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957)
Les postulats sont les mêmes que pour la théorie de l’équilibre cognitif.
Une relation de dissonance entre deux pensées (cognitions), c’est à dire une contradiction, une incohérence amène l’individu à ressentir un état d’inconfort psychologique. On parle d’éveil de la dissonance : La perception de l’incohérence entre deux éléments entraine un inconfort psychologique (état de dissonance) qui va motiver le sujet à le réduire.
Les chercheurs ont mis au point des outils de mesure de la force de dissonance. Grâce à cet outil, ils montrent alors que diminuer les dissonances ou leurs forces et augmenter les éléments consonants permet à un individu de diminuer cet inconfort psychologique.
Comment réduire la dissonance ?
Différents modes de réduction de la dissonance peuvent être utilisés dans le phénomène du bais de confirmation :
La rationalisation cognitive consiste en une réduction de la dissonance cognitive par changement d’attitude post-comportemental. L’individu va modifier son attitude initiale pour la rendre plus conforme au comportement problématique réalisé.
Elle peut prendre différentes formes :
- Le déni : L’individu va nier la véracité des nouvelles connaissances qui entrent en contradiction avec ses croyances initiales
- L’étayage : L’individu va ajouter de nouvelles connaissances consonantes pour rétablir le rapport entre les cognitions consistantes et inconsistantes, c’est à dire qu’il va trouver des raisons, justifications davantage en faveur de son comportement.
- Le changement radical de la connaissance initiale. Par exemple pour un sujet qui fumait, il intègre le fait que “fumer donne le cancer” à son système cognitif et arrête de fumer.
- La trivialisation : L’individu va dévaloriser l’importance des connaissances qui entraient en contradiction avec son attitude de départ. Par exemple pour un fumeur, il va pouvoir penser :” Il faut bien mourir de quelque chose”.
- La rationalisation comportementale où la dissonance sera réduite lorsque l’individu, suite à un premier comportement problématique a la possibilité d’en réaliser un autre.
Expérience de Rosenhan
L’expérience célèbre de Rosenhan en 1973 montre l’importance des biais de confirmation dans la formulation d’hypothèses.
Cette expérience se déroule en deux phases :
1ère phase : Des individus en bonne santé mentale se présentaient dans 12 hôpitaux psychiatriques aux États-Unis, feignant des hallucinations auditives. Ils furent tous admis ce qui, jusqu’alors n’a rien d’étonnant. En revanche, après leur admission, ils agissaient normalement, et déclaraient au personnel soignant qu’ils n’avaient plus d’hallucination du tout. Le personnel des différents hôpitaux a mis beaucoup de temps à réaliser la supercherie et restait persuadé que ces pseudo-patients avaient réellement les symptômes de la schizophrénie. Les patients sont ainsi restés internés de 7 à 52 jours avec une moyenne de 19 jours avant de pouvoir sortir.
2ème phase : Rosenhan va réaliser 6 mois après une contre expérience afin de vérifier les résultats de la première. Il annonce aux personnels soignants donc qu’il va tenter de réintroduire de nouveaux pseudo-patients dans les hôpitaux. Il demande donc au personnel d’un hôpital psychiatrique d’identifier de faux patients dans un groupe qui n’en comportait pas. Le personnel soignant va faussement détecter comme “imposteurs” un grand nombre de vrais malades.
Cette recherche met en évidence que le fait d’avoir une croyance et donc certaines attentes vis-à-vis d’un patient, a pour conséquence de pousser les soignants à sélectionner l’information congruente avec le diagnostic posé et à vouloir le vérifier à tout prix dans la réalité.
Effet Pygmalion
Le biais de confirmation peut faire référence à l’effet pygmalion (aussi appelé effet Rosenthal) mis en évidence par Rosenthal et Jacobson dans les années 1960’s.
L’ Effet pygmalion correspond à la mise en conformité des compétences d’une personne avec les attentes à son égard. Il correspond à une “prophétie auto-réalisatrice”. Cet effet a été mis en évidence chez l’animal (rat) et a aussi été testé à l’école.
Rosenthal et Jacobson ont réalisé des travaux en 1968 afin de prouver l’existence de l’effet pygmalion à l’école et déterminer si les attentes des instituteurs concernant les élèves avaient une influence sur leur réussite.
Même si on peut aujourd’hui remettre en question l’éthique de leur étude, Rosenthal et Jacobson ont fait croire aux enseignants que certains de leurs élèves étaient surdoués afin de savoir si cela allait affecter leurs performances scolaires.
L’expérience a eu lieu dans une école où de nombreux élèves étaient en échec scolaire. En septembre, les chercheurs ont fait passer des tests de Q.I. à tous les enfants. Ils ont gardé les résultats pour eux, et ont fait croire aux professeurs qu’il s’agissait d’un « tout nouveau test mis au point à Harvard, et destiné à détecter les élèves susceptibles de progresser de manière spectaculaire pendant l’année à venir ». Les chercheurs ont ensuite sélectionné au hasard cinq enfants par classe, et ont fait croire aux professeurs que ces enfant avaient eu d’excellents résultats au test, et qu’on pouvait s’attendre à ce qu’ils fassent des progrès très importants au cours de l’année. A la fin de l’année scolaire, les chercheurs ont refait passer un test de QI à tous les élèves pour comparer les résultats des élèves dits normaux et ceux des élèves désignés comme prometteurs.
Les résultats du tableau sont donnés pour chacune des 6 classes (les sigles sont en anglais : Grade 1 pour CP, Grade 2 pour CE1, etc.). On compare l’écart entre le groupe désigné (les pseudos élèves prometteurs en rouge) et le groupe contrôle (les élèves dits normaux en gris) :
Comme on peut le voir sur le graphique, les élèves désignés comme « prometteurs » ont en moyenne plus progressé que les autres. Ces résultats sont particulièrement vrais pour les classes de CP et de CE1 pour lesquelles on peut penser que les attentes des enseignants jouent un grand rôle. Ces élèves « prometteurs » ont également été perçus comme plus performants et plus agréables que les autres par leurs professeurs, alors qu’ils avaient en réalité été choisis au hasard…
Ainsi, les élèves agiraient de façon conforme à ce que les professeurs attendaient d’eux, ils réaliseraient cette prophétie auto-réalisatrice.
Sources :
Le regard des enseignants influence les résultats des élèves : l’effet Pygmalion
Rosenthal R. et Jacobson LF. (1968) Teacher Expectation for the Disadvantaged, Scientific American, vol. 218, no 4, p. 19-23.